Le Bataillon de la Belle de Mai est une narration avec un centre creux qui demande à être sondé.

En effet la Commune de Marseille est beaucoup moins documentée que celle de Paris, mais elle n’en n’est pas pour autant moins en lien avec les bouleversements sociétaux nationaux et mondiaux du XIXeme siècle, à savoir, l’entrée de plein pied dans la phase industrielle pour la France, l’expansion coloniale et les flux migratoires impulsés par les développements économiques. Depuis plus de cent cinquante ans, Marseille et notamment le quartier de la Belle de Mai, accueille une grande partie de ceux qui –d’abord Intra-européens, puis extra-européen – sont venus grossir les rangs de la main d’œuvre ouvrière.

Nous nous sommes entourés de deux historiens rattachés à la maison d’édition Promemo (Provence Mémoire et Monde Ouvrier), Gerard Leidet et Bernard Regaudiat. Avec eux nous sommes partis d’abord géographiquement à la recherche du parcours de ce bataillon à travers les rues, les places, les restes usines, les impasses…du troisième.

Nous avons tenu à dé muséifier l’Histoire en anthropomorphisant notre thème.

A travers nos recherches documentaires, nos enquêtes, nous ne cherchions plus uniquement à cerner le Bataillon de la Belle de Mai mais nous en sommes venus à guetter ses apparitions, ses messages, ses fantômes, sa persistance. Le fantôme du bataillon a bien évidemment dialogué avec le fantôme de la colonisation (lui aussi encore très présents dans les corps des habitants du quartier), car le soulèvement communard de 1871 est le premier grand moment décolonial de l’histoire de France, où les dominés, les laissés pour compte de la métropole mettent en miroir leur situation et celles de leurs semblables dans les colonies.

Dans les clubs l’on débattait fréquemment d’un internationalisme très teinté d’anticolonialisme « Nous nous plaignons aujourd’hui de ce que nous sommes envahis et pillés par les prussiens, et ce, avec raison ; […] mais nous ne devons pas oublier que ce qu’on fait aujourd’hui contre nous, nous l’avons fait contre d’autres. Nous sommes allés en Crimée, en Asie, à Rome, en Algérie, au Mexique et nous avons combattu des peuples qui ne demandaient qu’à vivre avec nous ». Le ciseleur Tolain membre de l’internationale, soulevait souvent la question de l’Algérie : « …les français avaient apporté dans ce pays non pas la civilisation, mais le malheur et la servitude… » Et un autre orateur « …l’Afrique ne deviendra florissante que si elle s’administre elle – même… » « …les gouvernants français ont depuis quarante ans développés chez les soldats de la France cette férocité nécessaire pour accomplir ce que les bourreaux des peuples appellent le rétablissement de l’ordre, en vouant la belle et malheureuse race arabe à la plus révoltante spoliation et la plus odieuse extermination… ». *

Porter ces paroles devant des adolescents (quasiment tous issus de la décolonisation) les réconcilient avec l’histoire de notre pays, la Commune présentant une société non homogène, dont des pans entiers condamnent les exactions dont furent victimes les colonisé.e.s, nos aïeux pour beaucoup d’entre nous.

*L’imaginaire de la Commune-Kristin Ross Ed La Fabrique

 


 

Interventions des historiens Gérard Leidet et Bernard Régaudiat:

 


Visite des archives départementales avec les élèves de Lonchamp, Thiers, Quinet, Victor Hugo: